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Oyakodon Baka
1 décembre 2005

parasite des Urgences

J'ai encore perdu mon calme aux urgences. J'ai peut-être tort, mais je ne le regrette pas, si je n'étais pas intervenu je m'en serais égoïstement voulu.

Une patiente est admise aux urgences pour "fausse route digestive et inhalation", elle est sous oxygène, elle ne bouge ni ne parle malgré son jeune âge, environ 55 ans. Je commence à m'intéresser à son cas quand ma "chef" scande "encore elle ?!"

En fait depuis un mois, la patiente vient plusieurs fois par semaine aux urgences, pour le même motif : encombrement bronchique, probable inhalation, toux... Il faut dire qu'elle est tétraplégique (paralysie des 4 membres) et totalement dépendante depuis des années à cause d'un accident vasculaire cérébral. Elle est nourrie par une gastrostomie (tuyau relié à l'estomac, par où on passe des aliments liquides). Evidemment, elle est aussi alimentée par la bouche, c'est important juste pour la symbolique et pour ne pas perdre le contact avec la nourriture. Même si la quantité ridicule ingérée ne suffit pas à la faire vivre.

Depuis quelques semaines donc, elle avale de travers et tousse énormément, sa famille s'inquiète, à juste titre, et peut de moins en moins subvenir à ses besoins quotidiens qui deviennent de plus en plus importants. Il y a aussi la toilette, les couches à changer, prévenir les escarres (pourrissement de la peau trop longtemps comprimée, comme chez les personnes alitées), bref imaginez un peu que vous vous occupiez d'une personne qui ne bouge plus, ne parle plus, qui ne fait que respirer, dormir et manger... Et encore, pas toute seule. Normal qu'au bout d'un certain temps, surtout si la situation physique de la personne s'aggrave, ça devienne ingérable et que vous vous retrouviez épuisé.

Mais voilà. La famille se refuse à la placer dans un établissement de long séjour. Fort bien, voilà une décision très sage.

Encore faut-il assumer ce genre de décision.

Depuis environ 1 mois donc, dès que madame semble s'étouffer, ce qui n'est d'ailleurs jamais le cas même si c'est spectaculaire vu qu'elle tousse et devient toute rouge, la famille la ramène aux urgences. Pour qu'on la sauve, ou je ne sais quoi, bref pour qu'on fasse quelque chose. Moi, je veux bien faire quelque chose : la placer. Mais encore ? La placer, la placer, la p l a c e r.

Mais cette famille est à chaque fois, déterminée à ramener la patiente à leur domicile. La première fois, on les admire. En plus, ça nous évite de passer 36 coups de fil pour trouver où il y a de la place, ce qui relève de l'humainement impossible. La deuxième fois, on comprend encore. La troisième, on explique que ça ne peut pas continuer comme ça, qu'il va falloir s'y faire, son état étant ce qu'il est, et qu'il n'y a rien à tenter pour la sauver le cas échéant. La famille comprend ! C'est un légume, on ne va pas s'acharner. Mais ils continuent de la ramener aux urgences dès qu'elle fait un pet de travers.

Leurs raisons, je peux les comprendre: la placer, ça reviendrait à l'abandonner, à renoncer, à être des enfants ingrats pour leur mère qui les a élevés et nourris quand eux étaient dépendants.

Mais dans ce cas, il faut assumer sa décision de ne pas la placer, et ne pas faire trinquer le service des urgences, qui a franchement autre chose à faire. Parce que c'est facile de la ramener aux urgences, c'est pas eux qui triment 10 heures d'affilée sans faire de pause.
C'est ce que je leur ai dit.
Et la fille fond en larmes en me disant l'air furieuse, que oui elle assume, qu'elle se lève tous les jours à six heures du matin, et le fils de me reprocher mes paroles. Je ne peux pas dire ça.
Je réponds que manifestement le maintien à domicile devient impossible et qu'il est plus que temps de prendre la bonne décision, ce qui semble les scandaliser.
Mais m****, ils vont quand même pas l'amener ici tous les jours non plus ! Il faut savoir ce qu'on veut, et ne pas prendre de demi-mesure aux dépens des autres (-> nous) comme ça ! J'étais sur le point de leur répondre quelque chose dans ce style quand ma "chef" a calmé le jeu et a continué à discuter avec eux... Oui, je lui avais un peu coupé la parole, mais cette famille commençait à m'insupporter sérieusement.

Après, une "vieille infirmière" m'a dit que quand mes parents seraient grabataires et aussi que quand j'aurais des enfants, je commencerais à comprendre ce qu'ils ressentent. Sans pour autant agir comme eux.

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