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Oyakodon Baka
14 juin 2009

Ton sourire

Je te connais depuis 6 ans, nous travaillions ensemble. A mes débuts, pas très sûr de moi, j'aimais quand tu étais de service lors de mes gardes. Tu me rassurais, tu étais toujours de bonne humeur, tu étais de bon conseil.

Alors que je roule vers ton village où je n'étais jamais allé jusqu'à présent, je pense à toi, à des moments passés en ta compagnie, au travail ou en dehors. Tu me manques, je sanglote tout seul dans ma voiture. J'augmente le volume de la musique.

Tu riais tout le temps, tu plaisantais sur tout et rien, mais jamais sur personne. Tu m'as appris mes premiers mots de "dialecte".

L'église est comble. J'étais parti en avance pour être sûr d'avoir une place assise. Certaines collègues sont arrivées une heure avant moi et ont eu les dernières. Nous sommes restés debout dans l'allée centrale.

Et puis il y a eu ton cancer.

Les gens sont debouts de toutes parts, on se marche presque dessus.

Tu me parlais de tes métastases, en plaisantant, toujours... J'étais horrifié, mais je n'en laissais rien paraître. Tu le savais. Je redoutais ce jour, me projetant malgré moi dans un sombre futur.

Tu es là, en face de moi, couchée dans cette boîte.

Je te voyais tousser de plus en plus. Tu me parlais du nouveau protocole de chimio proposé par ton spécialiste.

Je viens bénir ton cercueil. Je te dis au revoir. J'étouffe un sanglot.

Parfois, en aparté, tu venais me demander une ordonnance d'anti-douleurs "un peu plus forts". Je te demandais "et sinon... Comment ça va ?", sans parler de tes douleurs physiques. Tu souriais un peu moins, mais tu répondais toujours "oui", laconiquement, d'un air entendu. Puis tu retournais à tes plaisanteries.

Cette messe est déchirante, nous pleurons tous. Si j'avais connu ta famille, j'aurais demandé à jouer pour toi.

Tu as travaillé jusqu'à ne plus pouvoir tenir debout. Tu savais que le jour où tu arrêterais de travailler serait le commencement de la fin.

On me prend alors la main. C'est ma voisine qui est assise au bord d'une allée, je ne l'avais pas remarquée. Je ne savais pas qu'elle te connaissait. Elle me regarde avec une expression différente, une sorte de tristesse entendue.

Les infirmières qui à présent s'occupent de toi n'ont pas le moral. Tu n'as que 42 ans.
Je viens te voir, une ou deux fois par mois. Tu n'as plus de cheveux, tu as énormément maigri, mais tu ris toujours autant. Avec chaque fois, une voix un peu plus faible.

C'est cette image que je garde de toi. Ton sourire.

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